Coronavirus chez l'enfant : dangers, transmission, maladie de Kawasaki...
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Les enfants sont moins gravement touchés par le nouveau coronavirus, pour des raisons encore mystérieuses. Ils peuvent néanmoins être infectés. Les cas rares de syndrome proche de la maladie de Kawasaki inquiètent les parents, notamment après le décès d'un enfant de 9 ans à Marseille.

Coronavirus chez l'enfant : dangers, transmission, maladie de Kawasaki...

Les enfants, moins infectés par le virus ?

Le Covid-19, une "maladie d'adultes ?" Selon le rapport de la mission conjointe Chine-OMS publié fin février1, seulement 2,4% des plus de 75.000 cas alors confirmés en Chine concernaient des individus de moins de 18 ans.  Et une très faible part de ces mineurs avaient développé une forme grave (2,5%) ou critique (0,2%) de la maladie. "Ils ne semblent pas être très malades ni en mourir", résume Justin Lessler, épidémiologiste à l'université américaine Johns Hopkins. Mais "nous savons que les enfants sont infectés", assure-t-il à l'AFP. Dans l'analyse réalisée par cette université, sur les 1023 décès enregistrés en Chine à l'époque2, les enfants de moins de 10 ans représentaient moins de 1% de toutes les infections.

Santé Publique France vient appuyer l'information selon laquelle les enfants sont autant sujets à l'infection que les adultes dans son bulletin du 5 mai 2020.  "Toutefois, les cas pédiatriques de COVID-19 représentent une faible partie (1 à 5 %) de l’ensemble des cas de COVID-19 rapportés dans le monde". "Les facteurs de division du risque par rapport aux adultes sont de l’ordre de 1/10.000 pour les décès, de 1/1000 pour les formes graves, 1/100 pour les hospitalisations, 1/3 sur le pourcentage de PCR positives. Ceci est particulièrement vrai chez l’enfant de moins de 10 ans" affirme le Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique et l'Asociaiton Française de Pédiatrie Ambulatoire.  

Robert Cohen, pédiatre et infectiologue à l'hôpital de Créteil (Val-de-Marne), a dévoilé à BFM TV mardi 12 mai les premiers résultats d'une étude française menée par des pédiatres pour mesurer la place des enfants dans la diffusion de l'épidémie de coronavirus. Résultat ? "Les enfants sont peu porteurs, peu transmetteurs, et quand il sont contaminés c'est presque toujours des adultes de la famille qui les ont contaminés" informe-t-il. Pour lui le risque de la maladie chez l'enfant est "extrêmement faible, on peut dire mille fois inférieur à celui chez l'adulte". Il précise que les enfants sont très peu contagieux entre eux, et que la contagion de l'enfant à l'adulte n'arrive pas souvent. Ainsi "les enfants à l'extérieur de l'école sont probablement plus en danger qu'à l'intérieur de l'école""Si l'épidémie repart ce n'est pas par les écoles qu'elle va repartir, c'est par les adultes"

 

Des conséquences moins graves de l'infection

Alors pourquoi les enfants n'apparaissent-ils pas dans les statistiques s'ils sont autant sujets à l'infection que les adultes ? Même infectés, "les enfants vont bien et ne vont pas à l'hôpital, donc ils ne sont pas testés", explique à l'AFP Sharon Nachman, professeur à l'école de médecine Renaissance de l'hôpital pour enfants Stony Brooks près de New York.

"Ceci est essentiellement lié au fait que les enfants infectés présentent majoritairement des formes asymptomatiques ou peu graves. Les formes graves et les décès chez les enfants sont exceptionnels" informe Santé Publique France. 

Le système immunitaire mis en cause ? 

Les raisons pour lesquelles les plus petits ne manifesteraient que des symptômes légers (fièvre toux, diarrhée, nausées, fatigue, courbatures, vertiges, maux de tête...) ne sont pour l'instant pas claires, mais les experts avancent plusieurs hypothèses. "Pour eux, toute infection est une infection nouvelle", commente le Pr Nachman. "Ils voient tellement de maladies lors de leurs premières années que leur système immunitaire est au point et répond bien à ce nouveau virus", poursuit la spécialiste des infections pédiatriques, soulignant toutefois que l'absence actuelle de cas graves "ne veut pas dire que cela n'arrivera jamais".

De précédentes recherches sur un virus proche génétiquement, celui à l'origine de l' épidémie de SRAS, avaient montré que parmi les 774 décès (10% de mortalité), aucune personne de moins de 24 ans n'avait été touchée. L'une des hypothèse avancée par une équipe de l'Université de Hong Kong qui s'était concentrée sur 75 patients atteints de SRAS4 est que le décès n'était pas causé par la multiplication du virus mais par une réaction incontrôlée du système immunitaire des patients. Pour une raison qui reste à élucider, certaines personnes (plus fréquemment les personnes âgées et celles atteintes de maladies chroniques) n'ont pas "désactivé" la réponse inflammatoire de défense du système immunitaire. Les cellules immunitaires et les molécules à l'origine de l'inflammation (cytokines) auraient envahi les poumons et conduit à des complications finalement fatales.

Limiter l'inflammation (au risque de réduire la réponse immunitaire) constitue-t-il une piste ? Pour l'instant, aucun traitement n'a permis de démontrer une quelconque efficacité. Quoi qu'il en soit, selon une étude américaine, publiée dans le "Journal of Public Health Management and Practice" le 16 avril 20208, le virus pourrait toucher plus d'enfants, et de façon plus grave, qu'estimé jusqu'alors. Selon les auteurs, 25% de la population américaine pourrait être infectée d'ici la fin de l'année 2020, dont 50 000 enfants développant des symptômes graves et devant être hospitalisés. "Bien que le risque de développement de symptômes sévères liés au COVID-19 soit plus bas chez les enfants que chez les adultes, les hôpitaux devraient tout de même se préparer et avoir les équipements et le personnels nécessaires pour prendre en charge un afflux de jeunes patients," a mis en garde l'auteur de l'étude, Jason Salemi, professeur associé d'épidémiologie au USF College of Public Health.

Par ailleurs, une étude publiée le 12 mai 2020 dans la revue  Frontiers in Pediatrics10 indique que, chez l'enfant, des désordres digestifs - souvent accompagnés de fièvre - pourraient être les premiers symptômes d'une infection au coronavirus.  Les chercheurs rapportent en effet plusieurs cas d'enfants hospitalisés, dont les premiers symptômes étaient d'ordre gastro intestinaux. Selon le Dr Wenbin Li, du Département pédiatrique du Tongji Hospital de Wuhan en Chine, ces informations devraient être prises en compte par les médecins afin d'accélérer le diagnostic et permettre un traitement et un isolement rapides du patient.

La maladie de Kawasaki chez l'enfant, en lien avec le Covid-19 ? 

L'apparition d'une maladie potentiellement grave a été déclaré chez des enfants testés positifs au Covid-19. Il s'agit d'une maladie inflammatoire appelée "syndrome multi-inflammatoire chez les enfants" (MIS-C) par les autorités sanitaires américaines. Elle ressemble à la  maladie de Kawasaki : les symptômes décrits sont la fièvre et l'inflammation de plusieurs organes (ganglions dans le cou, éruption cutanée...) nécessitant une hospitalisation. L'enfant peut aussi avoir été exposé au Covid-19 ou être testé positif au virus. 

D'après Santé Publique France, 125 cas d'enfants atteints par cette maladie ont été signalés en France depuis le 1er mars, et plus de la moitié (52%) d'entre eux ont été testés positifs au SARS-COV-2. 58% d'entre eux sont recensés en Ile-de-France. L'âge moyen est de 8 ans.

"Les symptômes présentés font penser à ceux de la maladie de Kawasaki, mais avec une note inflammatoire et myocardique beaucoup plus marquée", informe Santé Publique France. "Un séjour en réanimation a été nécessaire pour 65 enfants et en unité de soins critiques pour 25".  Le communiqué, qui date de jeudi 15 mai, annonce aussi le décès d'une enfant âgé de 9 ans, souffrant d'une comorbidité neuro-développementale. L'enfant était traité à Marseille selon La Provence. D'après le chef du service de réanimation pédiatrique professeur Fabrice Michel, la jeune victime est mort d'"une atteinte neurologique liée à un arrêt cardiaque" et avait "une sérologie montrant qu'il avait été en contact" avec le coronavirus. Des recherches supplémentaires sont nécessaire pour savoir s'il avait une "pathologie préexistante"

D'après la  BBC, une centaine d'enfants au Royaume-Uni ont été touchés, des chiffres similaires dans l'Etat de New York aux Etats-Unis. Dr. Liz Whittaker, professeur en maladies infectieuses pédiatriques et en immunologie à l'Imperial College de Londres informe : "vous avez le pic de Covid-19, puis trois ou quatre semaines plus tard, nous constatons ce nouveau phénomène qui nous fait penser que c'est post-infectieux"

Comment expliquer l'apparition de cette maladie "Deux hypothèses sont explorées : la piste génétique associée à une réponse immunitaire excessive qui conduit à l'inflammation, et la piste du pathogène en étudiant les souches virales identifiées dans les cas de Kawasaki" explique  au Monde le professeur Alexandre Belot, rhumato-pédiatre à l’hôpital Femme-mère-enfant de Lyon et chercheur qui anime le comité de pilotage sur ce registre qui recense tous ces cas avec Santé publique France (SPF).

Le chercheur précise qu'une piste génétique est probable, car la majorité des enfants et adolescents sont originaires d'Afrique ou des Antilles"Une demande a été adressée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour pouvoir recueillir l’origine ethnique" ajoute-t-il.

À noter que cette réaction inflammatoire demeure "rare" et paraît "actuellement en cours de régression" estime Santé Publique France. 

Le retour à l'école dès le 11 mai, risqué ?

Le risque de propagation a poussé le gouvernement a fermer les écoles lors du confinement. Mais après l'annonce du gouvernement français de la réouverture progressive des écoles à partir du 11 mai, de nombreuses voix (parents, enseignants, syndicats, mais aussi médecins) se sont élevées, craignant l'accélération d'une "deuxième vague" de l'épidémie.

Pour Santé Publique France, "il est actuellement très difficile d’évaluer la circulation du virus dans cette population (les enfants, NDLR) à partir des connaissances produites lors de la première phase épidémique, et la contribution envisageable des enfants à sa dynamique. L’appréciation du rôle des enfants lors du "déconfinement" est à ce stade des connaissances très incertaine." Ainsi, malgré le désaccord notamment du conseil scientifique et de l'Académie de médecine, certains enfants ont bien repris le chemin de l'école, mais dans des circonstances particulières. L'agence de santé publique a recommandé que cette réouverture des écoles soit accompagnée de mesures de prévention pour limiter la transmission communautaire, notamment : 

  • L’éviction des enfants symptomatiques ou contacts ; 
  • L’adaptation des mesures " barrières " et de distanciation sociale à l’âge des enfants accueillis ; 
  • La mise en place de mesures environnementales spécifiques.

Elle rappelle également que le confinement a pu avoir un impact des conséquences sur la santé physique, mentale et le bien-être de certains enfants aujourd’hui et à long terme ; "ces conséquences ne seront pas uniformément réparties dans la population et un creusement des inégalités sociales de santé, déjà fortes chez les enfants, est à prévoir. "

Sources :

  • 1 -Coronavirus disease (COVID-2019) situation reports - OMS ( accessible en ligne)
  • 2 - Characteristics of and Important Lessons From the Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Outbreak in China - Summary of a Report of 72 314 Cases From the Chinese Center for Disease Control and Prevention - Zunyou Wu et al. - JAMA. Published online February 24, 2020. ( accessible en ligne)
  • 3 - Epidemiology and Transmission of COVID-19 in Shenzhen China: Analysis of 391 cases and 1,286 of their close contacts - Qifang Bi et al. - medRxiv ( accessible en ligne)
  • 4 - Clinical progression and viral load in a community outbreak of coronavirus-associated SARS pneumonia: a prospective study - JSM Peiris D Phil et al. - The Lancet Volume 361, Issue 9371, 24 May 2003, Pages 1767-1772 ( accessible en ligne)
  • 5 - Clinical Characteristics of 138 Hospitalized Patients With 2019 Novel Coronavirus–Infected Pneumonia in Wuhan, China - Dawei Wang et al. - JAMA. Published online February 7, 2020 ( accessible en ligne)
  • 6 - Coronavirus disease (COVID-19): What parents should know - Unicef - ( accessible en ligne)
  • 7 - COVID-19: IFRC, UNICEF and WHO issue guidance to protect children and support safe school operations - 10 mars 2020 ( accessible en ligne)
  • Photo : ©GREG BAKER / AFP
  • 8 - COVID-19 in Children in the United States -Intensive Care Admissions, Estimated Total Infected, and Projected Numbers of Severe Pediatric Cases in 2020 - 16 avril 2020 ( accessible en ligne)
  • 9 - Communiqué de Santé Publique France - 4 mai 2020 - en ligne ici
  • 10 - Clinical Characteristics of 5 COVID-19 Cases With Non-respiratory Symptoms as the First Manifestation in Children - Frontiers in Pediatrics - 12 mai 2020 ( accessible en ligne)