Coronavirus chinois : ce que l’on sait de l’épidémie
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En décembre 2019 a été découvert dans la ville de Wuhan en Chine un nouveau type de coronavirus provoquant des symptômes respiratoires sévères semblables à ceux du SRAS. Actuellement, des milliers ont été recensés, et des centaines de décès sont à déplorer. Que sait-on de ce virus exactement ? Doit-on s’inquiéter d’une épidémie mondiale ? Le docteur Eric D’Ortenzio, médecin épidémiologiste et coordinateur scientifique à l’Inserm, nous éclaire.

Il a été baptisé 2019-nCoV, et inquiète la population mondiale. Mi-décembre, les autorités chinoises ont été alertées de la présence d’un nouveau type de coronavirus, un type de virus à l’origine de maladies plus ou moins bénignes, qui est apparu dans la ville de Wuhan. Aujourd’hui, le nombre de personnes touchées et de décès ne cesse de croître. Mais le problème n’est plus confiné à la Chine ; des premiers cas ont été signalés en France, au Japon, en Corée du Sud, en Thaïlande, à Taïwan, en Australie et aux Etats-Unis, laissant craindre une épidémie mondiale. Une crainte justifiée ? Voici tout ce que l’on sait aujourd’hui.

D’où vient ce virus ?

Santé publique France révèle que la plupart des 41 premiers cas recensés à Wuhan travaillaient ou avaient fréquemment visité le Huanan South China Seafood Market, un marché de poisson et de fruits de mer de la ville “où des animaux vivants sont [également] vendus, indiquant une probable contamination d’origine animale”1. L’établissement a été fermé et désinfecté le 1er janvier 2020, “mais la source d’infection n’a pas été identifiée”. Interviewé par Doctissimo, le docteur Eric D’Ortenzio, médecin épidémiologiste et coordinateur scientifique à l’Inserm, confirme : “On n’en sait pas plus, les investigations sont toujours en cours. Le coronavirus est une zoonose, c’est-à-dire que c’est une maladie qui se transmet de l’animal à l’homme. Des prélèvements sur beaucoup d’animaux ont dû être faits, et les résultats doivent être en attente”.

Une étude2 parue le 23 janvier suggère que le serpent pourrait être l'animal réservoir du virus. Des serpents mais également des chauves-souris et des marmottes étaient en effet vendus au marché de Wuhan.

Comment se transmet-il ?

Le 20 janvier, les autorités chinoises ont annoncé que la transmission interhumaine a été confirmée, c’est-à-dire que le virus peut se transmettre d’une personne à l’autre, dans ce cas par les voies respiratoires (air ou gouttelettes). “L’enjeu va maintenant être de comprendre si cette transmission interhumaine est limitée ou plus soutenue, c’est-à-dire si le virus passe plus facilement d’un homme à l’autre”, explique le Dr D’Ortenzio. C’est ce qu’on appelle la mutation du virus.

Le 22 janvier, les autorités chinoises ont d’ailleurs émis cette hypothèse, au vu du nombre croissant de personnes infectées et décédées. Alors, mutation du virus ou meilleure détection de la maladie ? On ne sait pas. Quoi qu’il en soit, “il faut surveiller le virus pendant l’épidémie”, insiste l’expert, tandis qu’une étude de l’Imperial College London suggère que le nombre total de cas est sous-estimé : selon leurs estimations, il pourrait s’élever à plus de 17003. 

Quels sont les symptômes ?

Le Dr D’Ortenzio explique que le tableau clinique de 2019-nCoV est semblable à celui du syndrome respiratoire aigu sévère ou SRAS, une forme de pneumonie ayant causé 774 décès à travers le monde lors de l’épidémie de 2002-2003 qui avait également commencé en Chine. “La plupart du temps, les formes sont légères, avec de la fièvre, de la toux et un peu de difficultés respiratoires. Mais il y a aussi des cas sévères qui ont été décrits : des complications respiratoires avec des syndromes de détresse respiratoire aiguë et des pneumopathies sévères.” Le diagnostic repose sur un prélèvement sanguin permettant de “rechercher l’ARN du virus”.

Est-ce systématiquement mortel ?

Non, puisque sur les milliers de cas identifiés, seuls quelques centaines de décès ont été recensés. En revanche, on peut s’interroger sur les potentiels facteurs de risque. Plusieurs des patients décédés étaient âgés ou présentaient des comorbidités, révèle Santé publique France. “On a très peu d’informations, mais les victimes avaient sûrement des antécédents médicaux, comme un diabète ou autres, explique le Dr D’Ortenzio. La symptomatologie des coronavirus est souvent bénigne, mais chez les personnes à risque, elle peut engager le pronostic vital.” 

Y a-t-il un traitement ?

Pour l’heure, il n’existe aucun traitement spécifique pour ce type de coronavirus. Les personnes touchées se voient prescrire de simples traitements symptomatiques. Mais selon notre expert, “il n’est pas impossible que se mettent en place rapidement des essais cliniques en temps réel pour évaluer des molécules antivirales. L’expérience des anciennes épidémies d’ Ebola, de Zika et de SRAS nous permet de le faire.

Quelles mesures ont été prises à l’international et en France ?

La Chine et les autres pays touchés ont d'abord mis en place des mesures de dépistage dans les aéroports, à l’arrivée des vols en provenance de Wuhan. Les voyageurs pouvaient notamment être soumis à un contrôle thermique : ceux présentant de la fièvre devaient passer des tests plus approfondis. Mais l’intérêt de ces mesures est discuté : “On peut être non fébrile et présenter les symptômes après, c’est pour cela que certains aéroports ne mettent pas en place ces tests”, explique le Dr D’Ortenzio.

Le 23 janvier, trois métropoles chinoises dont Wuhan ont été mises en quarantaine : "plus aucun train ni avion ne doivent en principe quitter Wuhan", indique l'AFP.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré jeudi que l'épidémie du nouveau coronavirus apparu en Chine, et qui s'est étendue à plusieurs régions du monde, constitue une urgence internationale, appelant toutefois à ne pas limiter les voyages4. 

Doit-on s’inquiéter d’une épidémie en France ?

Agnès Buzyn a déclaré que  “notre système de santé est bien préparé, les professionnels de santé et les établissements de santé ont été informés et des recommandations sur la prise en charge d’éventuels cas en France leur ont été délivrées.

Ce que confirme le Dr D’Ortenzio : “Le risque d’introduction en France est possible, mais qu’il y ait une épidémie de grande ampleur, c’est peu probable. S’il faut rester vigilant avec ces mouvements de population, on est aussi mieux préparé que pour l’épidémie de SRAS en 2003 en terme de réponse, de mesures préventives mais également de recherches à mettre en place, ce qui va nous permettre d’avoir des nouvelles données voire des traitements.

Sous combien de temps ? “Difficile de répondre. On a besoin de savoir quel est l’animal responsable, d’encore mieux caractériser les patients, la symptomatologie clinique et la gravité, de connaître le taux de transmission… Tout cela peut prendre des semaines”, estime-t-il.

Sources :

Interview du docteur Eric D’Ortenzio, médecin épidémiologiste et coordinateur scientifique à l’Inserm.

1 - "Cas de pneumonies associées à un nouveau coronavirus (2019-nCov) à Wuhan, en Chine". Santé publique France. Mis à jour le 21 janvier 2020. ( accessible en ligne)

2 - "Global Health Concern Stirred by Emerging Viral Infections". Journal of Medical Virology. ( accessible en ligne)

3 - "Report 2: Estimating the potential total number of novel Coronavirus cases in Wuhan City, China". Imperial College London. 22 janvier 2020. ( accessible en ligne)

4 - Statement on the second meeting of the International Health Regulations (2005) Emergency Committee regarding the outbreak of novel coronavirus (2019-nCoV) - WHO - 30 janvier 2020 (  accessible en ligne)